|
1. Les spécificités de
la notion de valeur vénale en fiscalité:
1.1. L'approche objective de la valeur vénale
:
Selon le Guide de l'évaluation des biens publié
par la Direction Générale des Impôts en 1989, "la
valeur vénale d'un bien correspond à sa valeur marchande
c'est-à-dire au prix auquel ce bien pourrait être vendu
ou acheté".
La documentation de base de l'administration fiscale
résume bien la difficulté de l'évaluation, s'agissant
particulièrement des immeubles :
a. On a vu (cf. 1112, c) que, sur
les marchés imparfaits, tel le marché immobilier, la
valeur vénale correspondait à la probabilité
majeure de prix.
On vient de voir que cette probabilité majeure est, en fait,
représentée au mieux, non par un prix unique, mais par
un groupement plus ou moins lâche de prix dominants, parmi lesquels
aucun, en particulier, ne s'impose vraiment a priori.
Le simple observateur du marché pourra se contenter d'en déduire
que la valeur vénale de tel type de bien était, dans
telle situation et à telle époque, comprise entre le
plus faible et le plus élevé de ces prix dominants (l'importance
relative de l'écart traduisant le degré d'imperfection
du secteur du marché immobilier soumis à l'observation),
ou bien que, les prix dominants n'apparaissant pas clairement, la
valeur vénale est relativement incertaine, les prix constatés
permettant seulement d'en situer, plus ou moins vaguement, l'ordre
de grandeur.
b. L'évaluateur, lui, doit prendre parti et, pour se replacer
dans l'hypothèse où un graphique, par unité de
mesure, aurait été établi, dire en quel point
précis de l'axe des abscisses de chacun d'eux, il situe la
valeur des différents paramètres retenus pour caractériser
le bien soumis à son expertise.
(D. adm. 9 G-113, 31 décembre 1971).
1.11 Principes :
Dans l'approche fiscale de la valeur vénale
réelle, la jurisprudence a dégagé un certain
nombre de principes :
La valeur doit être recherchée
du point de vue d'un acheteur quelconque, abstraction faite des circonstances
propres aux parties en cause .
Cf. BODGI 7 C-5-86 : "
Il convient, pour appréhender cette valeur [valeur vénale
réelle d'un bien immobilier] de se placer du point de vue
d'un acheteur quelconque et non d'une personne déterminée.
Autrement dit, seuls sont à prendre en compte pour l'estimation
du bien les éléments réels d'appréciation,
abstraction faite de circonstances propres à la situation
personnelle des parties ".
Cf. Cass.
com. 24 juin 1997, n° 95-13468 : RJF 11/97, n° 1065.
C’est ainsi que des biens
loués transmis ou cédés au locataire
doivent être évalués compte tenu de l'existence
du bail.
Contrairement au droit civil où
une jurisprudence abondante décide qu'en cas de partage,
si une propriété louée est attribuée
au preneur, elle doit être évaluée libre de
location: Cass.
civ. I, 8 décembre 1965 : BC I, n° 690 ; Cass.
civ. I, 14 octobre 1981, n° 79-15946 : BC I n° 296 ;
Cass.
civ. I, 17 mars 1987, n° 85-15700 : BC I n° 100 ; Cass.
civ. I, 13 décembre 1989, n° 88-14007 ; Cass.
civ. I, 25 juin 1991, n° 90-10321 ; Cass.
civ. I, 11 juin 1996, n° 94-16608 : BC I, n° 252
Lorsqu'un indivisaire transmet ses droits
à l'autre indivisaire qui reconstitue entre ces mains la
pleine propriété, il doit être tenu compte de
la situation d'indivision:
CAA
Paris 28 juillet 2000, n° 97-1291 : RJF 2/01, n° 163.
Mais la limite apportée par le donateur à
la liberté de disposer des titres donnés n'affecte
pas leur valeur vénale réelle.
Cass.
com. 6 février 2007, n°05-12939.
Les biens sont évalués tels
qu'ils sont reçus, et non tels qu'ils sont transmis, bien que
sur ce point la jurisprudence soit instable :
En faveur du principe :
Cass.
com. 19 octobre 1999, n° 97-15255: « les biens compris
dans l'actif successoral sont transmis à chacun des successeurs,
selon ses droits propres, par le décès du de cujus
et … les droits de mutation à titre gratuit ne portent
que sur les biens tels qu'ils sont reçus par le bénéficiaire
de la mutation.
Cass.
Com. 15 décembre 2009, n° 09-11137 : viole l’article
761 du CGI l’arrêt qui retient que la situation de propriétaires
indivis des donataires qui ne présente pas d'inconvénients
pour une revente ne saurait être prise en compte, alors que
la valeur vénale des biens sur laquelle sont assis les droits
de donation est le prix qui pourrait en être obtenu sur un
marché réel compte tenu de son état de fait
et de droit.
Mais en sens contraire :
Cass.
com. 20 mars 2007, n° 05-17139: L'état d'indivision
dans lequel se trouvent les héritiers sur la pleine propriété
du bien reçu par succession n'affecte pas la valeur de ce
bien au jour de sa transmission.
Et (moins net) : Cass.
com. 7 juin 2006, n° 03-20228 (la Cour de cassation relève,
mais sans la sanctionner, l’apparente contradiction des arguments
retenus par une Cour d’appel qui avait relevé, d’un
côté, que la situation d’indivision résultant
de la donation à plusieurs coïndivisaires était
sans incidence sur la détermination de la valeur du bien,
et de l’autre, que le contribuable, a qui incombait la charge
de la preuve, n’avait pas établi que l’état
d’indivision de la nue-propriété avait une incidence
sur sa valeur).
Ainsi que l’administration :
BOI
7 G-6-04 du 9 septembre 2004: "La valeur vénale
d'un immeuble transmis à titre gratuit s'apprécie
sans tenir compte de l'éventuelle indivision née de
la transmission"
BOI 7 G-3-2009 : Pour l’assiette des droits de mutation à
titre gratuit, l’état d’indivision dans lequel
se trouvent les héritiers sur la pleine propriété
d’un bien reçu par succession est sans incidence sur
la valeur vénale de ce bien au jour de sa transmission.
La circonstance que l'état des biens
résulte de la volonté des parties est indifférente.
Cass.
com. 22 février 2000, n° 97-17821: BC IV, n°
37, RJF 5/00, n° 721 (indivision).
1.12.Applications:
1.121. Les biens « occupés »:
Lorsqu'un bien est occupé, il n'est pas
libre. Vérité proclamée par la Cour de cassation
dans un arrêt du 13 février 1996, dans un litige portant
sur l'évaluation d'un appartement occupé par le propriétaire
lui-même et son épouse .
Cass.
com. 13 février 1996, n° 93-20878, Fleury : Droit
Fiscal 1996, n° 15, comm. 503.
La Cour de cassation a ensuite
jugé qu'un immeuble occupé par la veuve du propriétaire
et ses enfants doit être évalué, dans la déclaration
de succession du propriétaire, en tenant compte de cette
circonstance.
Cass.
com. 16 décembre 1997, n° 96-11679 : RJF 1/98,
n° 123. Dans le même sens : Cass.
com. 19 octobre 1999, n° 97-15255 : RJF 3/00, n° 427
; Cass.
com. 5 décembre 2000, n° 98-11440 : RJF 3/01, n°
398.
Le législateur est alors
intervenu (article 17 de la loi de finances pour
1999, n° 98-1266 du 30 décembre 1998) pour préciser,
à l'article 761 du Code général des impôts,
que la valeur vénale des immeubles dont le propriétaire
a l'usage à la date de la transmission est réputée
égale à la valeur libre de toute occupation. Par dérogation,
un abattement de 20 % a été institué :
- en matière de droit
de succession, sur la valeur de l'immeuble constituant au jour
du décès la résidence principale du défunt
lorsqu'à cette même date, l'immeuble est également
occupé à titre de résidence principale par
le conjoint survivant ou par un ou plusieurs enfants mineurs ou
majeurs protégés du défunt ou de son conjoint
(article 764 bis du CGI) ;
- en matière d'ISF, sur
la valeur de l'immeuble occupé à titre de résidence
principale par son propriétaire (article 885 S du CGI).
Remarque: le second alinéa
de l'article 761 n'est applicable que lorsque l'immeuble est occupé
par son propriétaire. Ce qui n'est pas le cas lorsqu'il est
occupé par l'usufruitier .
Dans le commentaire de jurisprudence
publié au BOI
7 G-6-04 du 9 septembre 2004, l'administration fiscale estime
que, s'agissant de donations, il n'est plus tenu compte que de
l'éventuelle occupation de l'immeuble par un locataire.
Elle précise que " les nouvelles dispositions conduisent
désormais à évaluer comme libre de toute
occupation le bien dont le propriétaire a l'usage à
la date de la donation ". Toutefois, rien ne paraît
s'opposer à ce qu'un immeuble occupé par l'usufruitier
soit être évalué compte tenu de cette situation
en cas de donation effectuée par le nu-propriétaire.
Pour la prise en compte de l’occupation
de l’immeuble par l’usufruitier : Cass.
Com. 15 décembre 2009, n° 09-1113.
Cass.
com. 27 octobre 2009, n° 08-11362 : Si l'occupation par
hypothèse pérenne d'un bien à titre de résidence
principale est susceptible d'influer sur sa valeur vénale,
il en va différemment pour une occupation à titre
de résidence secondaire qui ne suppose qu'une occupation
par intermittence.
1.122. Les biens démembrés:
En matière de droits de mutation, la loi
fiscale fixe de manière impérative l’évaluation
des droits démembrés (article 669 du CGI) en proportion
de la valeur de la propriété entière. On a
pu se demander si la valeur de la propriété entière
pouvait se trouver affectée elle-même par l’existence
du démembrement.
Réponse négative : Cass.
com. 24 juin 1997, n° 95-14144.
En matière d’ISF : Cass.
com. 20 mars 2007, n° 05-16751 ; Cass.
com. 27 octobre 2009, n° 08-11362.
1.123. Les biens indivis :
• Cass.
com. 19 juin 1990, n°
89-10394, Fayard.
• Cass.
com. 10 décembre 1996, n° 94-17595.
• Cass.
com. 14 décembre 1999, n° 97-18810.
• Cass.
com. 4 décembre 2001, n° 98-17228.
• CA
Reims 10 février 2003, n° 116 : Mme L… soutient
à bon droit que la valeur vénale des droits indivis
qui lui ont été transmis [moitié des biens
issus de la communauté dissoute par le décès
de son époux] diffère de la seule fraction de la valeur
vénale totale du bien indivis concerné correspondant
à ses droits dans l'indivision. En l'occurrence, cette décote
peut être estimée à 20 % de la valeur vénale
théorique des biens indivis de l'appelante.
• CA
Dijon 18 mars 2008, n° RG 07/00850 : Mais attendu que les
appelants sont fondés à soutenir que la valeur propre
des biens indivis est, du fait de la morcellisation du droit de
propriété, inférieure à la fraction
de leur valeur en pleine propriété ; que leur demande
tendant à voir appliquer sur les biens immobiliers dont la
propriété était partagée une décote
par rapport aux évaluations retenues par l' administration
fiscale doit être accueillie ; que celle- ci sera fixée
de manière uniforme à 20 % sans faire de différence
pour les biens partagés avec les enfants du premier lit de
Monsieur X..., les litiges personnels invoqués étant
sans influence sur la valeur intrinsèque des biens ;
• Cass.
Com. 15 décembre 2009, n° 09-11137.
1.124. Les biens grevés d’une interdiction d’aliéner:
Cass.
com. 6 février 2007, n° 05-12939: la limite apportée
par le donateur à la liberté de disposer des titres
donnés n'affecte pas leur valeur vénale réelle.
Cass.
com. 27 octobre 2009, n° 08-11362 : la limite apportée
par le donateur à la liberté d'aliéner un immeuble
dont il se réserve l'usufruit n'affecte pas sa valeur vénale
1.125. Autres situations :
Immeubles grevé d’une inscription
hypothécaire : CA Reims 7 janvier 2002 (Juris-data n°
2002-185679, JCPN 2003.1352).
1.2. Les règles fiscales d'évaluation
:
Par exception, la détermination de la valeur
fiscale peut être influencée par des règles de droit
:
Il en est ainsi notamment pour déterminer les
valeurs respectives des droits démembrés. Il est
impossible, sur le plan fiscal, de s'affranchir des dispositions de
l'article 669 du CGI (anciennement 762) lorsqu'on se trouve dans son
champ d'application.
L'application obligatoire du barème de l'article
669 du CGI (anciennement article 762), exclut la possibilité
d'appliquer un abattement supplémentaire résultant du
seul démembrement de la propriété.
Cass.
com. 24 juin 1997, n° 95-14144 : BC IV, n° 201, Droit
Fiscal 1997, n° 41, comm. 1063.
La règle de l'article 669 implique également
que la valeur de l'usufruit et celle de la nue-propriété
ne peuvent être déterminées indépendamment
l'une de l'autre. Toute circonstance affectant la valeur de la propriété,
affecte dans la même proportion celle de l'usufruit et celle de
la nue-propriété. Ainsi, la valeur de la nue-propriété
doit tenir compte du fait que l'immeuble est occupé, fût-ce
par l'usufruitier.
Cass.
com. 12 mai 2004, n° 01-13697 : RJF 10/04, n° 1050.
La loi règle aussi de manière impérative,
on l'a vu, l'importance de la dépréciation occasionnée
par l'occupation d'un immeuble par son propriétaire (articles
761 et 885 S du CGI).
S'agissant des biens meubles, le prix obtenu dans une
vente publique intervenant dans les deux ans de la donation ou du décès
doit obligatoirement être retenu pour asseoir les droits de donation
(article 776.I du CGI) ou de succession (article 764.I.1° du CGI).
La même règle est applicable aux immeubles vendus par adjudication,
soit judiciaire, soit volontaire avec admission des étrangers,
intervenant dans les deux années qui ont précédé
ou suivi la date de la donation ou celle du décès, sauf
si l'immeuble a subi dans l'intervalle des transformations susceptibles
d'en modifier la valeur (art. 761. al. 3 du CGI).
Les bijoux, objets d'arts ou de collection ne peuvent
être portés dans une déclaration de succession pour
une valeur inférieure à l'évaluation figurant dans
des contrats d'assurance souscrits par le défunt, son conjoint
ou ses auteurs moins de 10 ans avant le décès. Il ne s'agit
toutefois que d'une présomption de valeur, qui supporte la preuve
contraire et qui s'efface en cas de vente publique survenue dans les
deux années du décès (art. 764.II du CGI).
Des dispositions impératives sont encore prévues
pour les titres cotés en matière de mutation à
titre gratuit (art. 759 du CGI : cours moyen au jour de la transmission)
ou d'ISF (art. 885 T bis du CGI : dernier cours connu ou moyenne des
30 derniers cours qui précèdent la date d'imposition),
Cass.
Com. 7 janvier 2004, n° 00-16786: BC IV, n° 6 (la limite
apportée à la liberté d'aliéner les titres
ne peut affecter leur valeur, déterminée selon la règle
légale de l'article 885 T bis).
ainsi que pour les stocks de vins et d'alcools d'une
entreprise industrielle commerciale ou agricole qui doivent être
retenus pour leur valeur comptable en matière d'ISF (art. 885
T du CGI).
Les règles légales d'évaluation
sont des règles d'exception ; elles sont donc d'interprétation
stricte.
Cass.
com. 14 décembre 1999, n° 97-18810 : BC IV n° 231,
RJF 4/00, n° 572 (la règle selon laquelle, en matière
d'ISF, les biens grevés d'un usufruit sont, en principe, comptés
pour leur valeur en pleine propriété dans le patrimoine
de l'usufruitier ne fait obstacle qu'à ce qu'il soit tenu compte
du démembrement de propriété pour l'évaluation
du bien et non à ce qu'il soit tenu compte de l'indivision
affectant la nue-propriété).
2. La preuve dans le contentieux
de l'évaluation :
2.1. La charge de la preuve :
Dès lors que le contentieux fiscal de l'évaluation
est un contentieux sur une question de fait, la charge de la preuve
revêt une importance capitale.
Les critères qui gouvernent l'attribution de
la charge de la preuve ne sont pas spécifiques au contentieux
de l'évaluation.
Pour être simple, on peut dire que la charge
de la preuve incombe à l'administration toutes les fois qu'elle
n'incombe pas au contribuable.
Elle incombe au contribuable, notamment :
- Dans le cas où l'imposition a été établie
d'office.
- Dans le cas où l'imposition a été
établie conformément aux déclarations du contribuable
: celui qui prétend que les valeurs qu'il a lui-même
déclarées sont exagérées, doit en apporter
la preuve.
- Dans le cas où l'imposition a été
établie sur la base d'un redressement accepté par le
contribuable.
Lorsque le redressement est entrepris
sur le fondement de l'article L. 17 du LPF et que le contribuable,
s'abstenant de répondre à la notification dans le
délai imparti de 30 jours est réputé l'avoir
accepté, la question se pose de savoir si la charge de prouver
l'insuffisance de valeur incombe toujours à l'administration.
Pour une réponse affirmative CAA
Lyon 24 mai 2000, n° 96-1849 : RJF 11/00, n° 1255; CAA
Nancy 16 mars 1995, n° 93-1167 : RJF 5/96, n° 574 ;
mais contra : CAA
Lyon 6 février 1991, n° 89-606 ; CAA
Marseille 7 décembre 1998, n° 96-1232 ; CAA
Paris 9 mai 1990, n° 89-1959 et 89-2153.
- Dans le cas où le litige porte sur la déduction d'une
charge
CE
20 juin 2003, n° 232832 : RJF 10/03, n° 1140 (concl.
P. Collin).
Par exemple, valeur d'un actif justifiant la déduction d'une
provision pour dépréciation: CAA
Lyon 16 avril 1992, n° 90-143 : RJF 7/92, n° 1044.
En matière d'enregistrement, lorsque l'administration
rectifie les prix ou les valeurs mentionnés dans un acte ou une
déclaration, elle est tenue d'apporter la preuve de l'insuffisance
de ces prix ou valeurs (article L. 17 du Livre des procédures
fiscales).
Le contribuable n'a pas à prouver le caractère
excessif des évaluations du service.
Cass.
com. 28 janvier 1992, n° 89-19385, Colaert : RJF 4/92, n°
575.
Adde: Cass.
com. 11 octobre 2005, n° 03-20572.
Mais lorsque l'administration apporte des éléments
suffisamment probants, une dialectique s'instaure;
Cass.
com. 16 janvier 2001, n° 98-11545 : RJF 05/01, n° 716:
après avoir énoncé que l'administration avait
pris des éléments de comparaison uniquement objectifs
caractérisant des immeubles de qualité intrinsèque
comparable, et estimé qu'ils ne pouvaient être contredits
que par d'autres éléments objectifs, le tribunal, répondant
ainsi aux conclusions dont il était saisi, a, sans inverser
la charge de la preuve, retenu que Mlle L
n'apportait aucun
élément permettant de supposer que les immeubles dont
elle est propriétaire avaient une valeur inférieure
à ceux ayant fait l'objet des transactions servant d'élément
de comparaison.
Et il incombe au contribuable qui estime opportun de
produire d'autres éléments de comparaison de nature à
infirmer l'évaluation faite par l'administration d'en justifier
concrètement la pertinence au regard du litige.
Cass.
com. 10 mai 1994, n° 92-18455, Chabran: RJF 8-9/94, n°
996.
Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque le
redressement porte sur une omission, et non sur une insuffisance d'évaluation.
Il revient alors à l'administration d'établir l'existence
des biens omis ou de la mutation non déclarée et d'établir
l'imposition à partir de la valeur apparente du bien, sans être
tenue de procéder à une comparaison tirée de mutations
portant sur des biens intrinsèquement similaires à ceux
en cause, sauf à réviser son évaluation eu égard
aux observations émises par le contribuable en réponse
au redressement. Si le contribuable conteste la valeur retenue, il lui
appartient d'établir que la valeur réelle est inférieure
.
Cass.
com. 14 décembre 1999, n° 97-17308 : RJF 4/00, n°
569 ; Cass.
com. 30 juin 1998, n° 96-19160 : RJF 11/98, n° 1364 ;
Cass.
com. 11 mars 2003, n° 00-19154 : RJF 6/03, n° 779.
En revanche, pour le conseil d'Etat, lorsqu'un redevable
de la TVA est en situation de taxation d'office, mais qu'il conteste
la valeur fixée d'office en établissant que le prix prévu
à l'acte et effectivement payé est inférieur, l'administration
ne conserve le droit d'écarter le prix résultant de la
volonté des parties et d'asseoir l'imposition sur une base plus
élevée qu'à la condition d'établir que celle-ci
correspond à la valeur vénale réelle des biens
en cause.
Avis
CE 30 juillet 2003, n° 254824 : RJF 11/03, n° 1235, concl.
P. Collin : BDCF 11/03, n° 139 ; CAA
Bordeaux 24 mai 2004, n° 00-1621. Remarque : Les dispositions
de l'article 266.2.b du CGI et de l'article L. 17 du Livre des procédures
fiscales (en ce qu'elles concernent la TVA), dérogatoires au
principe communautaire en vertu duquel la base d'imposition est constituée
par la contrepartie réellement perçue, donc par une
valeur subjective, et non par la valeur estimée selon des critères
objectifs (CJCE 5 février 1981 - aff. 154/80 ; CJCE 10 avril
1984 - aff. 324/82 : rec. P. 1861 ; CJCE 23 novembre 1988 - aff. 230/87
: RJF 3/89, n° 294 ; CJCE 5 mai 1994 - aff. 38/93 : RJF 7/94,
n° 869 ; CJCE 2 juin 1994 - aff. 33/93 : RJF 7/94, n° 868)
n'ont pu être maintenues qu'en application de la clause dite
de " standstill " de l'article 27 de la 6ème directive,
dès lors qu'elles existaient avant l'entrée en vigueur
de cette directive. La question de savoir si son application est possible
dès lors que le prix apparaît inférieur à
la valeur réelle ou si elle est réservée aux
cas de fraude ou d'évasion fiscale, n'est pas tranchée
en jurisprudence (Cf. Avis
CE 30 juillet 2003, n° 254824 et conclusions Pierre Collin
: BDCF 11/03, n° 139 ; TA Paris 30 octobre 1997, n° 93-1865/1
: RJF 3/98, n° 257 ; TA Lyon 3 juillet 2001, n° 97-3956 et
97-3958 : RJF 12/01, n° 1517 ; TA Grenoble 20 décembre
2001, n° 98-2450 : RJF 5/02, n° 494. Egalement : J.-C. Gilbert
: FR n° 44/01, p. 21 ; V. Haïm, conclusions sur CAA Paris
28 juillet 2000, n° 97-1290 et 97-1291 : BDCF 2/01, n° 24),
mais l'administration a récemment opté en faveur de
la seconde solution (instruction
du 7 juin 2004 : BOI 8 A-3-04).
La preuve de l'insuffisance peut être apportée,
sans que la valeur substituée ne soit probante. Dans ce cas,
le juge arbitre la valeur.
CAA
Paris 24 juin 1997, n° 95-45.
2.2. L'administration de la preuve :
L'administration de la preuve, en matière d'insuffisance
d'évaluation, est gouvernée par un principe de réalisme.
Une valeur ou un prix ne peuvent être regardés comme insuffisants,
que s'il est établi que des biens possédant des caractéristiques
similaires ont été vendus à un prix supérieur,
dans la période précédant au plus près la
date du fait générateur de l'imposition.
Cass.
com. 6 mai 1986, n° 84-17533, Chancel : BC IV, n° 81 (fonds
de commerce de pharmacie); Cass.
com. 9 mai 1990, n° 89-10474, Courtin: RJF 7/90, n° 924
(fonds de commerce que l'administration avait évalué
sur la base du chiffre d'affaires réalisé au cours des
trois années précédentes); Cass.
com. 19 juin 1990, n° 89-10394, Fayard : BC IV, n° 184
: RJF 8-9/90, n° 1130 (droits immobiliers indivis) ; Cass.
com. 28 janvier 1992, n° 90-11937, Franceschini: RJF 4/92,
n° 575 ; Cass.
com. 10 mai 1994, pourvoi n° 92-19923, Derrière : RJF
2/95, n° 997 (l'estimation de l'immeuble faite 4 ans plus tôt
dans une déclaration de succession n'est pas un élément
pertinent pour déterminer la valeur réelle à
la date du fait générateur).
La valeur vénale réelle ne peut être
déterminée selon d'autres modalités, que s'il est
établi que la comparaison avec des cessions de biens intrinsèquement
similaires n'est pas possible.
Cass.
com. 10 mai 1988, n° 87-13554, Dalbos : BC IV n° 154 ;
Cass.
com. 22 janvier 1991, n° 89-12357, Bartissol : BC IV, n°
37, RJF 4/91, n° 532 (encore faut-il que la méthode alors
retenue permette de fixer la valeur vénale réelle du
bien); Cass.
com. 15 juillet 1992, n° 90-15326 : RJF 11/92, n° 1584;
Cass.
com. 11 mai 1996, n° 94-20517 ; Cass.
com. 4 juin 1996, n° 94-15827 : RJF 8-9/96, n° 1085; Cass.
com. 26 janvier 1999, n° 97-10403 : RJF 4/99, n° 497 ;
CA Grenoble 23 juin 2003, n° 01-2001 : RJF 4/04, n° 431 :
La valeur réelle d'un bien doit être déterminée
à partir d'une comparaison tirée de la cession, à
l'époque de la mutation, de biens intrinsèquement similaires,
sauf dans les cas où, en raison de la singularité du
bien soumis aux droits de mutation, toute comparaison est impossible.
Lorsque des biens sont acquis en vertu d'un plan de cession homologué
par le tribunal, seuls peuvent être considérés
comme des biens intrinsèquement similaires pour être
utilisés comme termes de comparaison, les biens acquis dans
les mêmes conditions, c'est-à-dire, dans le cadre d'une
procédure collective ;
l'administration fiscale ne démontre
pas qu'il lui était impossible de connaître les ventes
qui avaient été réalisées dans le cadre
d'un plan de cession.
Cass.
com. 27 octobre 2009, n° 08-11362 (Château et parc au
bord du Léman).
jp administrative : CAA
Marseille 6 mai 2004, n° 99-2090; CAA
Nancy 26 novembre 1998, n° 95-942.
Lorsque l'imposition est établie d'office et
que l'administration fixe la valeur des biens servant d'assiette à
l'imposition, elle n'est pas tenue de justifier cette évaluation
au moyen de termes de comparaison portant sur des biens intrinsèquement
similaires. Mais si le contribuable veut contester l'évaluation
de l'administration, il est, lui, tenu de cette obligation, dès
lors que la charge de la preuve lui incombe.
Cass.
com. 22 février 2000, n° 97-17821, Ferrière:
RJF 5/00, n° 721.
Les termes de comparaison doivent, en principe, être
antérieurs au fait générateur de l'imposition
en litige. La Cour de cassation applique strictement la condition d'antériorité,
Cass.
com. 19 juin 1990, n° 89-14192 : RJF 8-9/90, n° 1129 (en
matière d'IGF) ; Cass.
com. 6 mai 2003, n° 00-10804 : RJF 11/03, n° 1318 ; Toutefois,
s'agissant d'un vente postérieure de 2 jours au fait générateur
: Cass.
com. 27 mars 2001, n° 98-15302 : RJF 8-9/01, n° 1146.
Adde:
Cass.
com., 31 mai 2005, n° 01-17593 : Pour déterminer
la valeur vénale réelle de titres non cotés
au 30 décembre 1993 le juge ne peut faire prévaloir
le prix réel pratiqué lors de la cession de ces mêmes
titres au 9 septembre 1994 sur le montant de l'actif net consolidé
évalué au 30 décembre 1993.
contrairement aux juridictions administratives.
CAA
Nantes 17 décembre 2003, n° 00-1081.
Les termes de comparaison doivent porter sur des biens
intrinsèquement similaires. La Cour de cassation, qui n'a
jamais exactement précisé ce qu'étaient des biens
intrinsèquement similaires, a indiqué que "cette
exigence n'implique pas que les biens ainsi pris en considération
soient strictement identiques, dans le temps, dans l'environnement et
dans l'emplacement, à ceux qui constituent l'objet du litige".
Cass.
com. 12 janvier 1993, n° 90-21494, SCI Chemin des Anes: BC
IV, n° 6, RJF 3/93, n° 459. Adde Cass.
com. 5 décembre 2000, n° 97-21553 : RJF 3/01, n°
393; Cass.
com. 20 novembre 2001, n° 98-22708, Continental: RJF 2/02,
n° 237: "si les termes de comparaison choisis par l'administration
devaient être similaires aux biens à évaluer,
celle-ci n'était pas contrainte de ne retenir que des biens
strictement identiques à ce dernier ;
eu égard
au caractère très particulier de cette situation juridique
(immeuble grevé d'un droit d'usage et d'habitation),
il ne pouvait être exigé de l'administration qu'elle
produise pour chaque année la référence à
une cession grevée d'un tel droit ; [le tribunal] en
a déduit, à juste titre, qu'un abattement forfaitaire
sur le prix du bien libre était donc l'unique moyen de calculer
sa valeur vénale, et a estimé que la décote appliquée
par l'administration, fondée sur le loyer qu'aurait pu obtenir
la société si elle avait pu disposer de l'immeuble,
respectait la nature de la servitude grevant celui-ci". Et
Cass.
com. 22 février 2000, n° 97-20446: RJF 5/00, n°
714: S'agissant d'un immeuble grevé d'un droit d'habitation,
en concluant que l'administration fiscale n'a pas satisfait à
son obligation de preuve
sans examiner les éléments
de comparaison fournis par l'Administration et constater qu'ils ne
portaient pas sur des biens similaires permettant, avec un
ajustement tenant compte des particularités du droit d'habitation,
de fixer la valeur vénale du bien litigieux, le Tribunal n'a
pas légalement justifié sa décision au regard
du texte susvisé [art. L. 17 LPF].
Adde: Cass.
com. 11 janvier 2005, n° 03-15232 : Si la valeur vénale
doit être établie par comparaison avec des cessions de
biens intrinsèquement similaires, sauf s'il n'existe pas de
référence véritablement comparable, la similitude
ne signifie pas identité absolue. Cass.
com. 22 février 2005, n° 03-11037: L'exigence de pertinence
des éléments de comparaison retenus par l'administration
fiscale n'implique pas que les biens pris en considération
soient strictement identiques à ceux qui constituent l'objet
du litige. La circonstance que les termes de comparaison cités
fassent ressortir entre eux d’importantes différences
de prix n’exclut pas leur pertinence (Cass.
com. 18 avril 2000, n° 97-18042).
En revanche : des biens cédés en dehors
d'une procédure collective ne peuvent être invoqués
pour prouver l'insuffisance de prix d'une cession opérée
dans le cadre d'une procédure collective.
Cass.
com. 16 juin 1998, n° 95-15689, Audax : BC IV, n° 196
; RJDA 8-9/98, n° 1012 (avec concl. M.-C. Piniot, p. 684) ; CA
Grenoble 23 juin 2003, n° 01-2001 : RJF 4/04, n° 431.
Ni des biens divis pour apprécier la valeur
de droits immobiliers indivis.
Cass.
com. 19 juin 1990, pourvoi n° 89-10394, Fayard : BC IV, n°
184, RJF 8-9/90, n° 1130.
L’arrêt de la Cour d’appel
de Dijon du 20 septembre 2005 (n° 04-764 : RJF 5/06, n° 614)
qui avait admis l’application d’un abattement de 10 %
pour tenir compte de la situation d’indivision du bien, a été
cassé pour violation des articles 666 et 885 S du CGI et L
17 du LPF au motif que « la valeur vénale d'un bien doit
être déterminée de manière concrète
et objective, à partir des seuls termes de comparaison tirés
de la cession de biens similaires, à la date de la mutation
litigieuse ou du fait taxable » (Cass.
com. 6 mars 2007, n° 05-21216).
Le juge du fond apprécie souverainement la pertinence
des termes de comparaison mais doit motiver concrètement son
appréciation.
Jugement suffisamment motivé:
Cass.
com. 18 avril 2000, n° 97-18042, Praz : RJF 7-8/00, n°
1019. Jugement insuffisamment motivé : Cass.
com. 29 novembre 1994, n° 92-21898, Jourdan-Barry : Droit
Fiscal 1995, n° 7, comm. 303 ; Cass.
com. 24 juin 1997, n° 95-14780, Reinboldt : RJF 8-9/97, n°
863.
2.3. L'inégalité des armes :
Dans la recherche des termes de comparaison pertinents,
l'administration fiscale dispose d'un avantage dans l'accès à
l'information puisqu'elle a libre accès au fichier immobilier,
alors que celui-ci n'est pas ouvert à la libre consultation des
particuliers. Cette situation a été jugée contraire
au principe d'égalité des armes qui garantit l'équité
d'un procès au sens de l'article 6-1 de la Convention européenne
des droits de l'homme lorsque le directeur des services fiscaux exerce
les fonctions de commissaire du Gouvernement dans la procédure
de fixation des indemnités d'expropriation.
Cass.
civ. III 2 juillet 2003, n° 02-70047 ; CEDH
24 avril 2003, n° 44962/98 : RJF 8-9/03, n° 1074 : Les
fonctions de commissaire du Gouvernement sont confiées au directeur
des services fiscaux (domaine) du département dans lequel la
juridiction de l'expropriation a son siège ou, par suppléance,
à un autre fonctionnaire de cette administration. A ce titre
-comme d'ailleurs l'expropriant -, il a accès au fichier immobilier,
sur lequel sont répertoriées toutes les mutations. L'exproprié,
quant à lui, ne dispose que d'un accès restreint au
fichier, celui-ci n'étant pas ouvert à la libre consultation
des particuliers : ils ne peuvent recevoir d'informations et d'extraits
qu'à la condition de bien circonscrire les références
recherchées (article 39 du décret no 55-1350 du 14 octobre
1955). Ainsi, déjà à ce stade, l'exproprié
se trouve désavantagé par rapport à ses adversaires.
En résumé, dans la procédure en fixation des
indemnités, l'exproprié se trouve confronté non
seulement à l'autorité expropriante mais aussi au commissaire
du Gouvernement ; le commissaire du Gouvernement et l'expropriant
- lequel est dans certains cas représenté par un fonctionnaire
issu des mêmes services que le premier - bénéficient
d'avantages notables dans l'accès aux informations pertinentes
; en outre, le commissaire du Gouvernement, à la fois expert
et partie, occupe une position dominante dans la procédure
et exerce une influence importante sur l'appréciation du juge
(voir, mutatis mutandis, Bönisch c. Autriche, arrêt du
6 mai 1985, série A no 92). Selon la Cour, tout cela crée,
au détriment de l'exproprié, un déséquilibre
incompatible avec le principe de l'égalité des armes.
Elle conclut en conséquence à une méconnaissance
en l'espèce de ce principe et à une violation de l'article
6 § 1 de la Convention.
Cependant, opérant un revirement de jurisprudence,
la Cour de cassation a récemment jugé que l'article 6-1
de la convention EDH n'est pas applicable au contentieux fiscal,
Cass.
com. 12 juillet 2004, n° 01-11403 : FR 39/04, inf. 5.
rejoignant ainsi la position du Conseil d'Etat
CE
26 novembre 1999, n° 184474 : RJF 1/00, n° 138; CE
29 décembre 2000, n° 200902 : RJF 3/01, n° 319;
CE
8 mars 2002, n° 211327 : RJF 6/02, n° 648; CE
7 juillet 2004, n° 210687 : RJF 10/04, n° 998.
et celle de la Cour européenne des droits de
l'homme.
CEDH
12 juillet 2001, req. n° 44759/98 : Europe Novembre 2001,
n° 339.
3. Les spécificités du contentieux fiscal
de l'évaluation :
3.1. Les obstacles à la rectification:
3.11. Le rescrit évaluation :
D’abord instaurée par voie doctrinale
été à titre expérimental, la procédure
de « rescrit-valeur » a été légalisée
par la loi de finances rectificative pour 2008 et est codifiée
à l’article
L. 18 du livre des procédures fiscales.
Elle permet aux dirigeants d’entreprises (individuelles ou
sociétaires) qui projettent de donner tout ou partie de l’entreprise
individuelle ou des titres de société, de sécuriser
fiscalement l’opération : Si l’administration donne
son accord à l’évaluation proposée par
le contribuable, cette prise de position lui sera opposable pendant
3 mois.
Le contribuable doit déposer un dossier complet, détaillé,
loyal et doit motiver l’évaluation proposée (cf.
article
R 18 du LPF). L’administration dispose d’un délai
de 6 mois pour instruire la demande. Toutefois, le silence de l’administration
ne vaut pas accord tacite.
3.12. La prescription
Il va de soi que la proposition de rectification
ne peut intervenir qu'à l'intérieur du délai
de reprise dont dispose l'administration. Celui-ci peut varier selon
les impôts en cause et les circonstances. En la matière,
il n'existe pas de règles spécifiques au contentieux
de l'évaluation.
L'attention sera néanmoins attirée
sur deux aspects.
En matière d'enregistrement (et d'ISF),
le délai de prescription abrégée (qui expire
à la fin de la troisième année suivant celle
de l'enregistrement de l'acte ou de la déclaration) n'est applicable
que si l'exigibilité des droits et taxes a été
suffisamment révélée par le document enregistré
ou déposé (art. L 180 du LPF). A défaut, c'est
le délai général prévu à l'article
L. 186 du LPF qui s'applique (anciennement 10 ans à compter
du fait générateur; depuis le 22 août 2007: 6
années complètes suivant celle du fait générateur).
Lorsque l'administration se borne à contester la valeur déclarée
dans un acte, la prescription abrégée est toujours applicable,
car l'évaluation détermine le montant des droits, non
leur exigibilité.
Encore faut-il que les biens soient
décrits avec suffisamment de précision. Tel n'est
pas le cas d'une déclaration d'ISF qui mentionne la dénomination
sociale des sociétés et le nombre de parts détenues
sans renseigner la colonne "méthode d'évaluation
et éléments de calcul" (CA
Paris, 1ère ch. section B, 3 mars 2006).
Mais, l'indication d'un solde créditeur de
compte bancaire inférieur au montant réel constitue,
non une insuffisance d'évaluation, mais une omission (partielle)
rectifiable dans le délai de 10 ans.
Cass.
com. 9 mars 1993, n° 91-11303 : RJF 5/93, n° 744.
Il a également été jugé,
semble-t-il, que l'omission, dans une déclaration de succession,
d'une partie des actions dépendant de la succession, permettait
à l'administration, dans le délai de prescription de
10 ans, non seulement de réintégrer dans l'actif successoral
la valeur des actions omises, mais aussi de rectifier la valeur des
actions déclarées.
Cass. com. 9 octobre 1985, req
. n° 808 S à 812 S : Droit Fiscal 1986, n° 6, comm.
225.
En matière de fiscalité professionnelle,
le litige peut porter sur la détermination de la valeur d'entrée
dans le patrimoine professionnel, soit pour la détermination
de la plus-value de cession, soit pour la limitation de l'amortissement
déductible. Le contrôle de la valeur n'est alors enfermé
dans aucune limite temporelle. C'est d'ailleurs un principe général
du contrôle fiscal : si aucune imposition complémentaire
ne peut être réclamée au titre d'une année
prescrite, en revanche, les opérations réalisées
au cours d'années prescrites peuvent être remises en
cause si elles exercent une influence sur le montant des impositions
afférentes aux années non atteintes par la prescription.
CE
4 novembre 1970, Ass. Plén., n° 77759.
3.2. La procédure de rectification :
3.21. La motivation de la proposition
de rectification :
Dans le cadre de la procédure de rectification
contradictoire (anciennement procédure de redressement contradictoire),
la proposition de rectification (anciennement notification de redressement)
doit être motivée de manière à permettre
au contribuable de formuler ses observations ou de faire connaître
son acceptation (article L. 57 du Livre des procédures fiscales).
Au regard de cette obligation, et notamment lorsqu'elle
est appliquée au contentieux fiscal de l'évaluation,
la Cour de cassation a développé une jurisprudence exigeante
pour l'administration fiscale, et relativement formaliste, ce qui
n'est pas le cas du Conseil d'Etat qui privilégie une approche
finaliste.
3.211. La motivation en droit :
Pour la Cour de cassation, la notification de redressement
doit mentionner les textes qui fondent les causes et les conséquences
du redressement ainsi que la procédure utilisée.
Lorsque le litige porte seulement sur une insuffisance
d'évaluation, la Cour de cassation n'exige pas la mention
du texte déterminant l'assiette de l'imposition, ni celle
du texte régissant le barème des droits.
Cass.
com. 25 avril 2001, n° 98-14375 : RJF 8-9/01, n° 1152;
Cass.
com. 17 juillet 2001, n° 98-20230 : RJF 11/01, n°
1454; Cass.
com. 4 décembre 2001, n° 98-20120 ; sauf éventuellement
si le redressement en valeur fait franchir le seuil d'une tranche
d'imposition supérieure : Cass.
com. 30 mai 2000, n° 97-17361: RJF 9-10/00, n° 1179
(solution implicite), mais en sens contraire, semble-t-il: Cass.
com. 30 novembre 1999, n° 97-19239: RJF 3/00, n° 430.
Adde : Cass.
com. 9 octobre 2001, n° 98-20119 : BC IV n° 162, Droit
fiscal 2001, n° 48, comm. 1113.
Adde: Cass.
com. 31 mai 2005, n° 03-19018: L’article 762 n’avait
pas à être visé dès lors que la modalité
de détermination de la valeur de la nue-propriété
par rapport à la valeur de la pleine propriété
retenue dans l'acte de donation partage n'avait pas été
remise en cause .
La mention de l'article L 17 du LPF est suffisante.
Cass.
com. 26 novembre 1996, n° 95-11290 : RJF 3/97, n°
280 ; Cass.
com. 30 novembre 1999, n° 97-19239 : RJF 3/00, n°
430; Cass.
com. 9 octobre 2001, n° 98-20119 : BC IV n° 162, Droit
fiscal 2001, n° 48, comm. 1113.
NB : Selon la Cour d'appel de
Paris, dans le cas d'une donation en nue-propriété,
la notification doit mentionner l'article 762-I du CGI (CA Paris
13 février 2003, n° 01-13539 : Droit Fiscal 2003, n°
29, comm. 565).
La jurisprudence administrative, en revanche, n'exige
pas l'indication des articles du CGI dont il est fait application.
CE
7 janvier 1985, n° 35235 : RJF 3/85, n° 370 ; CAA
Lyon, 9 octobre 2003, n° 98-1697, DF 2004, n° 19,
comm. 637, avec concl. contraires du commissaire du Gouvernement
F. Bourrachot.
3.212. La motivation en fait :
Dans la procédure normale, la charge de
la preuve incombe à l'administration. Une évaluation
ne peut être rectifiée que si l'administration fait
la preuve de son insuffisance. Les éléments de fait
déterminant l'insuffisance de valeur doivent être présentés
au contribuable dans la notification pour lui permettre de les discuter
dans le cadre de ses observations.
Lorsque la preuve de l'insuffisance doit être
établie par comparaison avec des mutations de biens similaires,
ce qui est le cas général,
Les éléments de comparaison
justifiant le redressement doivent être présentés
dans la notification de redressement.
Ils doivent être assortis de toutes
les précisions qui permettent d'apprécier qu'ils se
rapportent à la cession de biens intrinsèquement similaires
dans les conditions usuelles dans le marché réel considéré.
Cette expression se retrouve dans de nombreuses décisions.
Par exemple, s'agissant de fonds
de commerce : Cass.
com. 26 novembre 1990, n° 88-20064, Meyzenc: Droit fiscal
1991, n° 11, comm. 602, RJF 2/91, n° 233 ; Cass.
com. 28 janvier 1992, n° 90-11937, Franceschini: RJF 4/92,
n° 572 ; Cass.
com. 4 mai 1993, n° 91-12442, Besancenet : RJF 8-9/93,
n° 1239 ; d'une propriété en Sologne : Cass.
com. 3 juillet 2001, n° 98-14578 : RJF 11/01, n° 1455
; Et s'agissant de vignobles : Cass.
com. 18 avril 2000, n° 97-21432, Pâques : RJF 7-8/00,
n° 1017 ; Cass.
com. 13 mars 2001, n° 98-15179, Burlot : RJF 7/01,
n° 1022 ; Cass.
com. 17 mars 2004, n° 02-19276 : RJF 7/04, n°
812.
Les précisions doivent être suffisantes
pour permettre au destinataire d'apprécier l'adéquation
des termes de comparaison proposés sans avoir à procéder
à des recherches extérieures.
Cass.
com. 18 avril 2000, n° 97-21432; Cass.
com. 13 mars 2001, n° 98-15179; Cass.
com. 17 mars 2004, n° 02-19276.
Mais quelques erreurs affectant
certains termes de comparaison ne suffisent pas à vicier
la procédure si elles n’empêchent pas le contribuable
de formuler des observations et de prendre parti (Cass.
com. 4 décembre 2007, n° 06-17683; Cass.
Com. 15 décembre 2009, n° 09-11137).
Le Conseil d'Etat formule des exigences similaires
s'agissant d'apprécier la normalité du loyer d'une
maison d'habitation,
CE
16 mars 2001, n° 198050: RJF 6/01, n° 826.
du loyer d'une vigne,
CE
23 novembre 1998, n° 159131, Michel : RJF 1/99, n°
30.
d’un ensemble immobilier :
CE
2 octobre 2006, n° 271057 (il appartenait à l’administration
« de préciser, outre l'adresse et le taux de
rentabilité moyen des immeubles retenus comme termes de
comparaison, la date du contrat de bail, les activités
exercées, ainsi que les principales caractéristiques
physiques de ces bâtiments, notamment la surface, le nombre
d'étages et le nombre de pièces »).
ou celle d'une rémunération.
CE
23 janvier 2002, n° 216733 : RJF 4/02, n° 378.
Si la notification doit mentionner des termes de
comparaison, l'administration n'est pas tenue, du moins au stade
de la notification, de produire des pièces justifiant ses
dires.
Cass.
Com. 1er mars 1994, n° 92-13643: RJF 8-9/95, n° 1038.
Le juge apprécie souverainement l'existence
d'une motivation répondant à ces critères,
mais il doit justifier de cette appréciation pour mettre
la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle. Il
ne peut donc se borner à déclarer que la notification
est suffisamment motivée par la mention de termes de comparaison.
Recherche et justifications
suffisantes : Cass.
com. 24 février 1998, n° 96-14869, Levasseur
: RJF 5/98, n° 632; Cass.
com. 6 avril 1999, n° 97-13133, Leclère :RJF 8-9/99,
n° 1096 ; Cass.
com. 20 novembre 2001, n° 98-22708, Continental : RJF
2/02, n° 237; Cass.
com. 31 mai 2005, n° 02-17025. Recherches et justifications
insuffisantes : Cass.
com. 28 janvier 1992, n° 89-19385, Colaert : RJF 4/92,
n° 575 ; Cass.
com. 7 février 1995, n° 93-15651, Richardot : RJF
5/95, n° 676 ; Cass.
com. 3 juin 1998, n° 96-17022, Guillon : RJF 8-9/98, n°
1037.
3.22. L'avis de la commission
de conciliation et de la commission des impôts directs et des
taxes sur le chiffres d'affaires :
Lorsqu'au terme du débat contradictoire initié
par la proposition de rectification un différend subsiste entre
l'administration et le contribuable sur une question de fait, ce différend
peut être soumis pour avis à une commission départementale
composée paritairement de représentants des contribuables
et de représentants de l'administration et présidée
par un magistrat. Il s'agit, soit de la commission de conciliation,
compétente en matière de droits d'enregistrement et
d'impôt de solidarité sur la fortune, soit de la commission
des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires.
L'évaluation est le domaine de prédilection
des commissions. La faculté de soumettre le litige à
la commission est un droit du contribuable, qui doit pouvoir disposer
de toute garantie à cet égard.
En premier lieu, le contribuable ne doit pas être
privé de la liberté de saisir la commission lorsque
celle-ci est compétente. La commission est notamment compétente
dès lors qu'il existe un désaccord sur la valeur d'un
bien, nonobstant le fait que le litige portait initialement sur un
autre point tel que l'omission d'un bien ou une qualification erronée.
Cass.
com. 27 février 2001, n° 98-14735.
La possibilité de saisir la commission sur
les questions relevant de sa compétence doit être offerte
au contribuable à l'issue du débat contradictoire. En
particulier, si l'administration fiscale n'a pas l'obligation de répondre
aux observations formulées après l'expiration du délai
de trente jours prévu par l'article R*57-1 du Livre des procédures
fiscales, il lui incombe, si elle fait, de rappeler au contribuable
qu'il dispose de la faculté de saisir la Commission départementale
de conciliation dans le délai légal de 30 jours à
compter de la réponse de l'administration à ses observations.
Cass.
com. 7 décembre 1993, n° 91-22137: BC IV, n°
458, RJF 3/94, n° 359 ; TGI Reims 25 janvier 2000, n° 49
; CA Reims 7 janvier 2002, n° 15. Et Cass.
com. 15 septembre 2009, n° 08-19780.
Et il n'appartient pas à l'administration
d'apprécier la portée du désaccord qui persiste
entre elle et le redevable : l'administration ne peut refuser la demande
de saisine de la commission formulée par le contribuable sur
des chefs de redressement relevant de la compétence de cette
commission au motif que le contribuable ne les avait pas contesté
dans ses observations.
Cass.
com. 18 février 2004, n° 02-10961 : BC IV, n°
36, RJF 7/04, n° 810.
En second lieu, l'avis de la commission doit être
motivé de manière à permettre aux parties, à
défaut d'accord, de poursuivre utilement leur discussion devant
le juge au vu des éléments qu'elle a pris en considération.
Cass.
com. 13 novembre 2003, n° 01-16712 : RJF 2/04, n° 195
; Cass.
com. 30 mai 2000, n° 97-17361: RJF 9-10/00, n° 1179.
Adde: Cass.
com. 11 octobre 2005, n° 07-17474.
L'obligation de motiver l'avis de la commission
départementale de conciliation constitue une formalité
substantielle dont l'omission entraîne l'irrégularité
de la procédure d'imposition.
Cass.
com. 21 octobre 1997, n° 95-17689 : RJF 1/98, n° 125.
› Le dégrèvement
qui en découle ne laisse subsister aucun acte de la procédure
d’imposition, qui ne peut être reprise sans que le redressement
soit à nouveau notifié (Cass.
com. 6 mars 2007, n° 05-21721).
L'administration a commenté cette obligation
au BOI
13 M-1-04 du 5 juillet 2004 :
L'étendue de l'obligation
de motivation de l'avis doit s'apprécier au regard de sa
finalité qui est de fournir au juge de l'impôt le moyen
de contrôler les appréciations de fait de la commission
et de trancher le litige en pleine connaissance de l'ensemble des
éléments du débat
L'avis de la commission de conciliation doit être motivé
de manière à permettre aux parties, à défaut
d'accord, de poursuivre utilement leur discussion devant le juge
au vu des éléments qu'elle a pris en considération
(Cass.
com 6 mai 2003, n° 01-13118 [RJF 8-9/03, n° 1056]; Cass.
com. 1er juillet 2003, n° 01-16577 ; Cass.
com. 8 juillet 2003 n° 00-16916).
Aussi l'avis de la commission doit-il comporter l'énoncé
des considérations qui en constituent le fondement et assurer
l'information du redevable sur les motifs qui ont emporté
la conviction des commissaires afin de lui permettre d'en contester
le bien-fondé devant le juge de l'impôt.
Trois arrêts récents fournissent des exemples de cas
dans lesquels la Cour de cassation a approuvé les cours d'appel
ayant considéré comme motivé l'avis de la commission
départementale de conciliation.
S'agissant de l'évaluation d'immeubles, la Cour de cassation
a considéré que le fait d'annexer à l'avis
les termes de comparaison cités par le service, avec l'indication
de leurs caractéristiques essentielles, permet d'incorporer
lesdits termes à la motivation de l'avis et dès lors
de porter à la connaissance du contribuable les éléments
comparatifs pris en compte par la commission, motivant ainsi l'avis
au sens de l'article R * 60-3 du L.P.F. (Cass. com. 1er juillet
2003 ; Cass. com. 8 juillet 2003, précités).
De même, la Cour a validé la motivation d'un avis relatif
à des titres non cotés dès lors que celui-ci
mentionnait les valeurs arrêtées par le service et
les correctifs apportés par la commission départementale
de conciliation sous forme d'abattements, notamment pour tenir compte
de la situation d'actionnaire minoritaire (Cass. com. 6 mai 2003,
n° 748, précité).
Avis suffisamment motivé
: Cass.
com. 20 mai 2008, n° 07-14426.
Inversement, exemples d'avis insuffisamment motivés
:
Cass.
com. 13 novembre 2003, n° 01-16712 ("la commission
se borne à mentionner de façon abrupte le prix qu'elle
estime devoir retenir sans indiquer les éléments ayant
forgé son opinion"). Adde: Cass
com. 25 janvier 2005, n° 02-10453: la circonstance que la
notification paraissait suffisamment motivée, que les parties
avaient pu débattre des éléments de comparaison
y figurant et que la commission n'avait pas à en rechercher
d'autres ne caractérise pas la motivation de l'avis de la
commission départementale de conciliation sur les éléments
pris en considération par celle-ci pour forger son opinion
sur la valeur à retenir.
Cass.
com. 11 octobre 2005, n° 03-17474.
Cass.
com. 9 octobre 2007, n° 06-13243.
Pour la Cour administrative d'appel de Marseille,
l'insuffisante motivation de l'avis de la commission n'entraîne
pas l'irrégularité de la procédure d'imposition.
CAA
Marseille 7 octobre 2004, n° 00-1201.
L'avis de la commission doit être notifié
à tous les co-héritiers solidaires dès lors qu'il
n'est pas établi que l'un d'eux a entendu représenter
les autres (Cass.
com. 7 avril 2010, n° 09-14516).
3.23. Les sanctions:
En général, l'insuffisance d'évaluation
n'est pas sanctionnée en dehors de l'application de l'intérêt
de retard.
En matière de droits d'enregistrement (et
d'ISF: D.
adm. 13 N-1112, n° 14, 14 juin 1996), lorsque l'insuffisance
d'évaluation est inférieure à 1/10ème
de la base d'imposition, l'intérêt de retard n'est pas
applicable si le contribuable n'est pas convaincu de mauvaise foi
(article 1733 du CGI). Il est précisé que l'insuffisance
s'apprécie pour chaque bien et non sur l'ensemble des biens
contenus dans un acte ou une déclaration. Il en résulte
notamment qu'un bien omis ne peut ouvrir droit au bénéfice
de cette mesure, même si sa valeur est très faible par
rapport à l'ensemble des biens déclarés.
Mais lorsque l'insuffisance est volontaire, des pénalités
de mauvaise foi peuvent être infligées : 40 % si la mauvaise
foi du contribuable est établie ; 80 % s'il s'est rendu coupable
de manoeuvres frauduleuses ou d'abus de droit (article 1729 du CGI).
Exemples de mauvaise foi pour sous
insuffisance d'évaluation : Cass.
com. 16 janvier 2001, n° 97-22215 : le contribuable avait
commis l' "imprudence " de proposer à l'administration
une transaction sur une base double de celle primitivement déclarée
!. CE
8 juin 1983, n° 27749 : RJF 8-9/83, n° 962: Pénalités
de mauvaise foi appliquées à l'associé d'une
SCI qui a acquis de cette société un appartement pour
un prix inférieur à celui pratiqué par la société
dans d'autres ventes consenties à des tiers. Sous-évaluation
manifestement délibérée: Cass.
com. 11 janvier 2005, n° 03-15232. Mais les pénalités
de mauvaise foi ne peuvent être infligées au contribuable
qui n'a pas personnellement pris part à la transaction sous-évaluée
: CE
29 juin 2001, n° 223663 : RJF 10/01, n° 1233 (concl.
S. Austry, p. 807).
Un notaire, mieux que tout autre,
est informé de la valeur réelle des biens composant
son patrimoine et le juge peut en déduire que la minoration
de leur valeur dans sa déclaration d’ISF ne résultait
pas d'une méconnaissance mais, au contraire, d'une volonté
délibérée de fraude (Cass.
crim. 30 juin 2010, n° 09-86249).
3.3. La procédure contentieuse :
3.31. Compétence ratione loci :
Article R 202-1 du Livre des procédures fiscales :
Le tribunal de grande instance compétent
est celui dans le ressort duquel se trouve le bureau de l'administration
chargé du recouvrement.
Toutefois, en matière de droits d'enregistrement ou de taxe
de publicité foncière, les décisions prises sur
les réclamations indiquées à l'article R. 190-1
et relatives à la valeur vénale réelle d'immeubles,
de fonds de commerce et des marchandises neuves qui en dépendent,
de clientèles, de droit à un bail ou au bénéfice
d'une promesse de bail portant sur tout ou partie d'un immeuble, de
navires et de bateaux, peuvent être attaquées devant
le tribunal de grande instance du lieu de situation des biens ou d'immatriculations
des navires et bateaux.
Lorsque des biens ne formant qu'une seule exploitation sont situés
dans le ressort de plusieurs tribunaux, le tribunal compétent
est celui dans le ressort duquel se trouve le siège de l'exploitation,
ou, à défaut de siège, la partie des biens présentant
le plus grand revenu d'après la matrice cadastrale.
3.32. Droit à expertise:
En matière de droits d'enregistrement, l'expertise
est de droit (art. R 202-3 du LPF), même si le juge estime qu'elle
est sans intérêt et qu'elle sera difficile compte tenu
des changements intervenus dans la situation de l'immeuble.
Cass.
com. 25 avril 1989, n° 88-11578 : RJF 7/89, n° 906.
Le juge peut aussi, spontanément, ordonner
une expertise.
Cass.
Com. 24 mars 1998, n° 96-15113 , Tzarevkan: RJF 6/98, n°
733. Adde CA Reims 3 juin 2002, n° 529 : "Le
fait par le tribunal d'ordonner une mesure d'expertise avant dire
droit sur le bien fondé du redressement ne saurait conduire
à considérer que la notification de redressement est
insuffisamment motivée puisque c'est précisément
après avoir constaté la discordance existant entre
la valeur des biens à évaluer et celle des termes
de comparaison valablement exposés par l'administration que
les premiers juges ont souhaité obtenir un avis techniquement
motivé sur l'évaluation à retenir".
Une jurisprudence locale, non exempte de critiques,
met dans ce cas - et temporairement - à la charge du contribuable
les frais de l'expertise, en sa qualité de demandeur à
l'instance ayant "un intérêt certain à
l'exécution de cette mesure" (TGI Reims
23 janvier 1996, n° 95-475 ; 23 décembre 1996, n° 96-52,
25 février 1997, n° 96-1111, 4 mars 1997, n° 96-1565).
Quoi qu'il en soit, le refus de consigner les frais
d'expertise n'inverse pas la charge de la preuve.
Cass.
com. 19 juin 1990, n° 89-10394, Fayard : BC IV, n° 184,
RJF 8-9/90, n° 1130.
Enfin, il n'appartient pas à l'expert de pallier
la carence du service des impôts dans l'administration de la
preuve.
Cass.
com. 22 janvier 1991, n° 89-12357 ,Bartissol : BC IV, n°
37, RJF 4/91, n° 532.
"Il en résulte que l'expert ne peut
se prononcer que sur les éléments de comparaison invoqués
dans la notification de redressement, sans pouvoir en rechercher lui-même,
ou sur ceux que le contribuable invoque lui-même, à peine
de méconnaître le caractère contradictoire du
redressement" (Bernard Hatoux : L'évaluation des biens
en matière d'enregistrement : RJF 2/02, p. 117 et s.).
Conclusion : Les suites du contentieux de
l'évaluation :
Les redressements opérés sur la valeur
vénale des biens peuvent avoir des conséquences particulièrement
défavorables.
Il en est ainsi, par exemple, d'une société
qui vend un immeuble à son gérant pour un prix anormalement
bas :
1. La plus-value réalisée par la société
sera recalculée par rapport à la valeur vénale
réelle et non au prix stipulé.
CE
5 octobre 1973, n° 82836 : Droit Fiscal 1974, n° 3, comm.
36.
2. Le dirigeant sera imposé sur un revenu irrégulièrement
distribué à concurrence de la différence entre
la valeur vénale réelle et le prix stipulé.
CE
29 décembre 1997, n° 125208 : Droit Fiscal 1998, n°
27, comm. 613 avec concl. G. Goulard.
3. En cas de revente du bien, c'est le prix réellement
payé qui doit être seul pris en compte pour le calcul de
la plus-value imposable.
RM Dejoie n° 9857 : JO Sénat
1998, p. 3351 ; CAA
Paris 7 mai 1997, n° 94-1269 : RJF 1998, n° 3, p. 200.
En revanche, lorsqu'une personne cède un bien
acquis à titre gratuit, la valeur d'acquisition à retenir
pour le calcul de la plus-value de cession est la base ayant finalement
supporté les droits de mutation à titre gratuit. Le redressement
opéré sur la valeur déclarée lors de l'acquisition
à titre gratuit diminue donc le montant de la plus-value en cas
de cession ultérieure.
DB 5 G-4522, n° 33, à jour
au 15 septembre 2000, "lorsque les titres ont été
acquis par le contribuable à titre gratuit, le second terme de
la différence est constitué par la valeur retenue pour
la détermination des droits de mutation à titre gratuit".
S'agissant des plus-values immobilières : DB 8 M-2122, n°
3 (à jour au 1er décembre 1995): "Bien entendu,
il y a lieu d'ajouter à la valeur déclarée les
insuffisances d'évaluations réparées par l'administration
dans le délai de répétition".
Enfin, lorsqu'une valeur d'apport est redressée,
la valeur d'actif ne peut être augmentée au bilan de la société
bénéficiaire de l'apport en dehors d'une rectification de
l'acte d'apport, sauf à constituer une réévaluation
libre génératrice d'un bénéfice imposable
(RM Combe n° 12478 : JOAN 28 septembre 1974, p. 4600
; RM Bouquerel n° 18269 :JOAN 15 janvier 1976, p. 49). Mais
en rectifiant l'acte d'apport, par un acte enregistré au taux fixe,
la réévaluation de l'apport ne génère aucun
bénéfice ; et elle permet de retenir la base rectifiée
comme base d'amortissement et comme valeur d'acquisition en cas de plus-value
ultérieure (RM Ferrant n° 15306 : JO Sénat
19 juillet 1984, p. 1168 : Droit Fiscal 1984 n° 45-46, comm. 1960).
Pour terminer on soulignera qu'en matière d'évaluation,
les repentis de la dernière heure ne sont pas toujours récompensés.
Ainsi, le Conseil d'Etat a-t-il jugé que "si,
pour déterminer la valeur vénale de biens acquis par succession,
c'est, en règle générale, à la valeur retenue
pour l'assiette des droits de mutation qu'il faut se référer,
il en va différemment lorsque pareille référence
est dépourvue de toute signification, notamment dans le cas de
déclaration de succession souscrite hors délai par des héritiers
déjà engagés dans des opérations génératrices
des plus-values imposables".
CE
25 mai 1988, n° 81512 : RJF 7/88, n° 874.
En l'occurrence, le contribuable avait souscrit une
déclaration de succession rectificative quelques jours après
la cession de l'immeuble générateur de la plus-value, mais
il ne démontrait pas que la valeur initialement déclarée
aurait été sous-évaluée.
Plus sévère encore est cet arrêt
de la Cour administrative d'appel de Bordeaux du 20 février 2003
:
CAA Bordeaux, 20 février 2003,
n° n° 99-237 : RJF 7/03, n° 850 ; conclusions B. Chemin
:BDCF 7/03, n° 95
Madame X hérite en 1989 d'un appartement parisien
qu'elle évalue dans la déclaration de succession à
3 300 000 F.
Quelques mois plus tard, un redressement lui est notifié
sur la base de 6 300 000 F.
Ayant d'abord entrepris de contester ce redressement,
Madame X se ravise tout à coup et dépose, le 10 mai 1990,
une déclaration de succession rectificative dans laquelle l'appartement
en cause est évalué à 7 650 000 F, déclaration
accompagnée du paiement des droits correspondants.
6 jours plus tard, l'immeuble est vendu pour le prix
de 8 250 000 F.
Invitée à déclarer la plus-value
réalisée à cette occasion, Mme X calcule celle-ci
par différence entre le prix de cession et la valeur qu'elle a
portée dans sa déclaration expiatoire souscrite 6 jour avant
la vente.
En vain.
Subsidiairement, Mme X sollicitait la prise en compte
de la valeur fixée par l'administration dans sa notification de
redressement.
Mais l'administration s'est, elle aussi, ravisée
et a abandonné le redressement entrepris sur la valeur déclarée
dans la succession.
Dans son arrêt, qui laisse perplexe, la Cour de
Bordeaux a admis le repentir de l'administration
mais pas celui
du contribuable.
|
|