Droit au bail, pas-de-porte, droits d’entrée et autre indemnité d’éviction

Mise à jour: 31 juillet 2009
 
     
 


Le droit au bail rural est un élément de l’actif immobilisé, nonobstant sa quasi-incessibilité (art. L411-35 CR) et la prohibition des pas-de-porte (art. L411-74 CR):

  •  CE 17 avril 1985, n° 39919 (DF 1985, n° 31, comm. 1424) : « …relève de ce régime d’imposition [plus-values à long terme], s’il a été acquis depuis deux ans au moins, l’élément d’actif d’une exploitation agricole constitué par le droit du fermier à son bail rural ».
  •  CAA Nancy 20 avril 2006, n° 02NV01182 : Le droit au bail rural, « qui doit être regardé comme un élément d’actif immobilisé », n’ayant pas été mentionné dans le traité d’apport, l'administration a pu à bon droit remettre en cause le bénéfice du report d'imposition des plus-values prévu à l’article 151 octies du CGI.
  • Cf. également: CAA Nancy 8 juin 2006, n° 03NC00674 et CE 19 décembre 2008, n° 296312.

  •  CAA Bordeaux 8 novembre 2007, n° 04BX01616 : Le droit au bail rural, nonobstant son incessibilité en général, constitue un élément d’actif de l’exploitation agricole et l’indemnité perçue par le bailleur en contrepartie de la résiliation du bail moins de deux ans après sa conclusion doit être regardée comme une plus-value à court terme.

 

Régime fiscal

Vue synoptique:

 
 

1.1. Lorsqu’un bailleur perçoit un droit d’entrée, celui-ci n’est généralement pas considéré comme la contrepartie de la dépréciation de son immeuble. Il est donc imposable comme un loyer.

Détails et nuances

2.1 Lorsqu’une entreprise locataire paie un droit d’entrée, celui-ci est généralement considéré comme la contrepartie de l’acquisition d’un élément d’actif : le droit au bail. Il n’est donc pas déductible.

Détails et nuances

1.2 Lorsqu’un bailleur paie une indemnité d’éviction, celle-ci est généralement considérée comme la contrepartie de l’accroissement de valeur de son immeuble devenu libre de location. Elle n’est donc pas déductible.

Détails et nuances

2.2. Lorsqu’une entreprise locataire perçoit une indemnité d’éviction, celle-ci est généralement considérée comme le prix de cession d’un élément d’actif immobilisé : le droit au bail. Elle est imposable selon le régime des plus-values.

Détails et nuances

 
  Autrement dit, ces machins là sont presque toujours imposables quand on les perçoit et presque jamais déductibles quand on les paie.

En détail :

 

1.1. Lorsqu’un bailleur perçoit un droit d’entrée, celui-ci est généralement imposable comme un loyer :

• Si le bailleur est une entreprise, le « pas-de-porte » est regardé comme un supplément de loyer imposable dès lors qu’il n’est pas établi qu’il est la contrepartie de la cession d’un élément d’actif du bailleur (élément du fonds de commerce par exemple) : CE 7 février 1966, n° 64182 ; CE 26 juin 1968, n° 70030 ; CE 4 mai 1979, n° 98253 (« à supposer enfin que le droit au bail dont le preneur était désormais titulaire ait entraîné une dépréciation de l'immeuble ramenant la valeur de celui-ci au dessous de sa valeur comptable, il appartenait au contribuable de constater cette dépréciation en constituant une provision ») ; CE 17 juin 1985, n° 44509, RJF 8-9/85, n° 1153).

• Si le bailleur est un particulier (ou une SCI), pour déterminer si les indemnités perçues à titre de « droit d’entrée » constituent un supplément de loyer ou sont la contrepartie de l’abandon d’un élément du patrimoine du bailleur ou de la dépréciation que subit l’immeuble du fait de la location [ou entrent dans l’une et l’autre de ces catégories selon les proportions à fixer], il y a lieu de tenir compte des circonstances de l’espèce (CE 24 février 1978, n° 97347)

Ne suffisent pas à établir la dépréciation alléguée :

- la circonstance que la location créerait au profit du preneur un élément d’actif nouveau représenté par le droit au renouvellement du bail ne suffit pas (CE 24 février 1978, n° 97347, CAA Lyon 23 septembre 1998, n° 95LY01604 95LY01605, CAA Douai 10 avril 2001, n° 97DA12564, CAA Bordeaux 6 juillet 2001, n° 98BX01095);

- la circonstance que l’indemnité ne serait pas déductible chez le preneur (CAA Nancy 10 février 2005, n° 00NC01438, CAA Nantes 31 juillet 2002, n° 99NT00438);

- la circonstance que le loyer serait normal, voire déjà excessif (CAA Nancy 28 février 2008, n° 06NC0116).

Evidemment, si le droit d’entrée correspond en fait au prix de cession d’un élément de l’actif commercial du bailleur, il n’est pas imposable dans la catégorie des revenus fonciers mais relève du régime des plus-values professionnelles (CE 23 janvier 1980, n° 17060 : RJF 3/80 , n° 222 ; CE 28 septembre 1984, n° 38704).

Il en est de même lorsque l’indemnité compense l’abandon par le bailleur d’un élément incorporel de son actif commercial (CAA Bordeaux, 20 novembre 1990, n° 89BX01596).

C’est peut-être comme cela qu’il faut comprendre l’arrêt CE 29 septembre 1989, n° 68212 qui avait suscité plus d’espoir (cf. chronique J. Turot in RJF 11/89, p. 611): « Pour déterminer si une … indemnité doit être imposée [en tant que supplément de loyer], ou si elle constitue la contrepartie d'une dépréciation de l'immeuble donné à bail, il y a lieu de tenir compte des circonstances de l'espèce ». En l’espèce, l’indemnité versée au bailleur doit être regardé comme la contrepartie de la dépréciation affectant le patrimoine du contribuable du fait de la nature et de la durée du bail (bail civil de 40 ans entrainant nécessairement la disparition du fonds de commerce antérieurement situé dans l’immeuble).


1.2. Lorsqu’un bailleur paie une indemnité d’éviction, celle-ci est généralement considérée comme la contrepartie de l’accroissement de valeur de son immeuble devenu libre de location.

Elle n’est donc pas déductible:

Mais vient en diminution du prix de cession pour le calcul de la plus-value immobilière en cas de cession du bien libre (article 41 duovicies H de l’annexe III au CGI).

  •  Ni des bénéfices professionnels: CE 19 février 1986, n° 46347 (transfert d’un fonds de commerce) ; CE 31 mars 1989, n° 80712 (pour partie seulement, élimination d’un concurrent) ; CE 5 octobre 1988, n° 61841 (libération d’un immeuble en vue de sa vente) . Indemnité d’éviction versé au titulaire d’un BAIL RURAL par l’acquéreur de l’immeuble, ayant pour contrepartie l’augmentation de la valeur des immobilisations figurant à son actif : CE 19 décembre 1975, n° 96829 ; CE 15 juin 1977, n° 3305 (RJF 9/77, n° 459) ; CE 15 janvier 1982, n° 12118 (RJF 3/82, n° 241) .


Sauf lorsqu’elle permet de relouer à des conditions plus avantageuses…

 
 
Fiscalité des particuliers
Fiscalité professionnelle
CE 6 juillet 1990, n° 61637 (BAIL RURAL), CE 3 juillet 2009, n° 293154 ; CE 21 novembre 2007, n° 275536 ; CE 8 juillet 2005, n° 253291 (même versée concomitamment à l’acquisition de l’immeuble) ; CE 10 février 1993, n° 91545 ; CE 29 mars 1989, n° 81836 (en partie seulement dès lors qu’une partie seulement des locaux a été relouée à des conditions plus avantageuses, le propriétaire ayant conservé la jouissance personnelle de l’autre partie). CE 3 juillet 2009, n° 305732 ; CE 31 mars 1989, n° 80712 (pour partie seulement)
 
 

ou lorsqu’elle a pour seul objet d’avancer la date d’entrée en jouissance effective des locaux : CE 12 février 1990, n° 60557 (« dans les circonstances de l’espèce »)

Cas particulier de l’indemnité d’éviction versée au fermier pour l’exploitation d’un gisement : Non déductible selon CE 23 janvier 1980, n° 17189, déductible selon CAA Paris 13 mai 2005, n°01PA02315 (RJF 8-9/05, n° 826), seules les dépenses augmentant la durée d’utilisation ou la valeur d’un gisement étant immobilisables depuis CE 30 décembre 2003, n° 236174.

2.1. Lorsqu’une entreprise locataire paie un droit d’entrée, celui-ci est généralement considéré comme la contrepartie de l’acquisition d’un élément d’actif : le droit au bail. Il n’est donc pas déductible.

Il en est ainsi dès lors qu’il n’est pas établi que le loyer stipulé est inférieur à la valeur locative normale : CE 2 octobre 1985, n° 41539; CE 23 juin 1986, n° 48465; CE 25 juillet 1987, n° 50819; CE 20 avril 1988, n° 49791 ; CAA Nancy 23 mai 2002, n° 97NC02592 ; CAA Nancy 28 février 2008, n° 06NC01114; CAA Paris 4 mars 2004, n° 99PA03736 (même s’il n’est pas la contrepartie d’une dépréciation du fonds chez le bailleur).

Le droit au bail n’est pas amortissable : CE 15 octobre 1982, n° 26585 ; CE 28 décembre 1988, n° 57390 ; CAA Douai 27 juillet 2007, n° 06DA00565.

CE 19 novembre 1976, n° 99290 se fonde sur les stipulations contractuelles (« pour tenir compte à la bailleresse de la valeur du pas de porte et des droits accordés aux locataires par les lois sur la propriété commerciale ») pour refuser la déduction des sommes versées.

Selon une jurisprudence ancienne, si l’indemnité est versée par le nouveau locataire à l’ancien locataire, elle ne peut bien sûr être regardée comme un supplément de loyer et n’est pas déductible (CE 9 mars 1960, n° 66525, Dupont 1960, p. 307 ; CE 8 février 1965, n° 61730 et 61731, Dupont 1965, p. 228 ; CE 13 juin 1966, n° 64402, Dupont 1966, p. 401).

Par exception, les sommes versées au propriétaire à l’entrée sont déductibles lorsqu’elles constituent un complément de loyer, ce qui suppose que le loyer stipulé au bail soit anormalement bas (CE 31 janvier 1983, n° 28447) :

La déduction du « préloyer » doit être étalée sur la durée du bail : CAA Nancy 11 juin 1998, n° 94NC01771. Mais rien n’interdit d’étaler la déduction sur une durée plus longue (CE 5 février 1975, n° 93068).

Dans le même esprit, le loyer majoré par le bailleur en contrepartie de l’absence de pas de porte reste néanmoins intégralement déductible s’il n’est pas démontré qu’il est anormalement élevé : CAA Lyon 22 mars 2007, n° 03LY00524.


2.2. Lorsqu’une entreprise locataire perçoit une indemnité d’éviction, celle-ci est généralement considérée comme le prix de cession d’un élément d’actif immobilisé (le droit au bail).
Elle est imposable selon le régime des plus-values (CE 23 février 2000, n° 162659, BAIL COMMERCIAL ; CE 17 avril 1985, n° 39919 :DF 1985, n° 31, comm. 1424, BAIL RURAL).

Toutefois, la fraction de l’indemnité couvrant des frais de déménagement et de réinstallation et les troubles commerciaux en résultant sont imposables comme un bénéfice courant (CE 1er février 1984, n° 36169, même si, en fait, le preneur évincé ne s’est pas réinstallé).

Toute la difficulté est donc d’évaluer la fraction de l’indemnité qui compense la perte du droit au bail.

On a égard à la finalité de l’indemnité plus qu’à son montant, d’où l’importance de la qualification retenue par les parties (CE 10 juillet 1989, n° 41069).

La circonstance que le montant de l’indemnité excède la valeur objective du droit au bail ne suffit pas à établir qu’elle avait partiellement pour objet de compenser d’autres frais déductibles (CE 2 avril 1993, n° 56468). A fortiori lorsque le montant de l’indemnité n’excède pas la valeur du droit au bail (CE 1er juillet 1988, n° 49711).

Et, inversement, il est difficile pour les contribuables de revenir sur la qualification qu’ils ont eux-mêmes retenue (CE 23 octobre 1991, n° 71792-72822 ; CE 1er février 1984, n° 36169, précité)


Le preneur sortant qui se dispense de percevoir une indemnité d’éviction peut commettre un acte anormal de gestion : CAA Bordeaux 29 janvier 2009, N° 07BX01830 (société ayant abandonné son droit au bail commercial permettant à l’associé propriétaire de conclure un nouveau bail au profit d’un nouvel exploitant et de percevoir au passage un pas de porte de 1 300 000 F).

La différence négative entre l’indemnité d’éviction perçue par le preneur en fin de bail et le pas-de-porte versé à l’entrée est une moins-value à long terme (et non une perte déductible) dès lors que le preneur a lui-même considéré le pas de porte initial comme l’acquisition d’un élément d’actif : CAA Paris 18 septembre 1990, n° 89PA01745 89PA01749.

La conclusion d’un bail suivi de sa résiliation moyennant indemnité d’éviction peut être un moyen astucieux de transférer des sommes du propriétaire au pseudo-preneur. Si abus de droit il y a, c’est à l’administration de le prouver et les circonstances que les deux sociétés impliquées aient des associés commun et que la société preneuse n’ait pas utilisé le terrain loué ne sont pas suffisantes (CE 18 juin 1986, n° 48912) !


 
Tableau synoptique de la doctrine administrative
 

1.1. Sommes perçues par le bailleur

Bailleur « entreprise » :

D. adm. 4 A-242, n° 6 et s., 9 mars 2001 :

Lorsqu'un droit d'entrée est stipulé au profit d'une entreprise, propriétaire des locaux donnés en location, il ne peut dans la généralité des cas, (même si, le locataire étant également une entreprise, celle-ci est tenue d'inscrire à son actif tout ou partie du droit d'entrée stipulé), être considéré comme constituant la contrepartie pour l'entreprise bailleresse, d'une cession d'éléments de son actif immobilisé ou d'une diminution de valeur vénale d'un tel élément.
Par suite, les sommes correspondantes doivent être regardées comme présentant, pour le bailleur, le caractère d'un supplément de loyer, dès lors que ces sommes sont la contrepartie des avantages que le locataire tire de l'occupation de l'immeuble loué ; il en est ainsi même lorsque la conclusion du contrat de location a pour effet de faire naître au profit du nouvel occupant un droit au bail de nature commerciale.

Bailleur « particulier » :

BOI 5 D-2-07, 23 mars 2007, Fiche n° 6, n° 26 et suivants :

Les sommes que le locataire verse au propriétaire en sus du prix annuel du loyer, à titre de « pas-de-porte », de « droit au bail », ou de « droit d'entrée » doivent, en principe, être prises en compte pour la détermination du revenu foncier, au même titre que le loyer proprement dit, dès lors que, leur versement constituant une des conditions de location et trouvant son origine dans l'exploitation de l'immeuble, elles présentent le caractère d'un supplément de loyer.

Ce principe s'applique également lorsqu'une indemnité de cette nature constitue la contrepartie d'une perte de recettes ou d'un accroissement des charges supportées par le bailleur.

Le versement d'une indemnité destinée à dédommager le bailleur d'une dépréciation de son capital ne devrait pas être inclus dans les revenus fonciers de ce dernier, pour autant que cette dépréciation soit réelle et sous réserve des circonstances particulières susceptibles de motiver ce versement (RM DEJOIE, Sén. 27 septembre 1984, p. 1544, n° 16768).

Le droit d'entrée ne constitue pas un supplément de loyer lorsque le loyer stipulé n'est pas anormalement bas et que ce droit d'entrée a, en fait, pour objet d'indemniser le bailleur de la dépréciation de son fonds (CE, arrêt du 28 septembre 1984, n° 38704).

L'indemnité d'entrée versée par le preneur, à l'occasion de la conclusion - pour un loyer normal - d'un bail civil de longue durée non résiliable, portant sur des locaux à vocation commerciale, doit être regardée non pas comme un supplément de loyer imposable, mais comme la contrepartie de la dépréciation partielle du patrimoine du bailleur résultant de la déspécialisation des biens donnés en location (CE, arrêt du 29 septembre 1989, n° 68212).

Indemnité versée au nu-propriétaire. L'indemnité perçue par le nu-propriétaire d'un immeuble qui autorise l'usufruitier à consentir un bail commercial présente le caractère d'un revenu imposable lorsqu'elle correspond en fait à un véritable droit d'entrée exigé du preneur. En revanche, cette indemnité n'a pas à être comprise dans les revenus imposables du bénéficiaire lorsqu'elle est destinée à compenser une diminution de la valeur vénale de la construction où sont situés les locaux donnés à bail (RM MORICE, n° 11762, JO Sén. du 27 octobre 1972, p. 1887).

29. Droit d'entrée versé par le preneur d'un bail rural. Lorsque le preneur d'un bail rural accepte de verser au propriétaire du fonds un droit d'entrée, ce dernier doit comprendre la somme correspondante dans ses revenus fonciers de l'année au cours de laquelle il l'a encaissée.

30. Remboursement au bailleur par le preneur entrant des sommes versées au preneur sortant à titre d'indemnité. L'article L. 411-69 du code rural prévoit le versement d'une indemnité par le bailleur, au preneur sortant, qui a par son travail ou par ses investissements, apporté des améliorations au fonds loué.
Le bailleur peut demander au preneur entrant le remboursement des sommes ainsi versées (code rural, art. L. 411-76). Ces sommes n'entrent pas dans le champ d'application de l'impôt sur le revenu (sur le régime fiscal de l'indemnité versée au preneur sortant, voir DB 5 D 2413, n° 2).

D adm. 5 D-123, n° 11, 10 mars 1999 :

Il a été jugé que l' « avance sur loyer » versée par le nouveau locataire titulaire d'un bail à construction, devait, s'agissant de la location d'un terrain nu, être regardée comme un supplément de loyer imposable entre les mains du bailleur, même si cette avance avait servi à régler les indemnités d’éviction dues par le bailleur à ses anciens locataires (CE, arrêt du 27 juillet 1979, req. n° 10775, 7° et 8e s.-s.).

D Adm. 5 E3233, n° 13, 15 mai 2000 :

Lorsque le « droit d'entrée » est perçu par le propriétaire du fonds, celui-ci doit le comprendre dans ses revenus fonciers de l'année au cours de laquelle il l'a encaissé. Toutefois, les sommes ainsi perçues peuvent être assimilées à un revenu exceptionnel au regard des dispositions de l'article 163-OA du CGI et imposées dans les conditions prévues à cet article.

2.1 Sommes payées par le preneur

D. adm. 4 C-2, n° 2, 30 octobre 1997 :

Le point de savoir si les sommes versées au propriétaire d'un local commercial à titre de droit d'entrée constituent un supplément de loyer ou ont pour contrepartie, partiellement ou en totalité, l'acquisition d'un élément incorporel du fonds de commerce est une question de fait qui ne peut être résolue qu'au vu des circonstances propres à chaque cas particulier. Pour apprécier la nature réelle de la dépense, il convient selon la jurisprudence du Conseil d'État, de tenir compte non seulement des clauses du bail et du montant des sommes stipulées mais aussi du niveau normal des loyers correspondant aux locaux ainsi que, le cas échéant, des avantages offerts par le propriétaire en sus du droit de jouissance qui découle du contrat de bail.

D. adm. 4 C-2, n° 9, 30 octobre 1997 :

Les indemnités de résiliation de bail versées par une entreprise aux précédents occupants de divers locaux commerciaux dans lesquels elle envisageait de s'installer ne sauraient être regardées comme des frais de premier établissement car le versement de ces indemnités, fait à d'autres personnes que le propriétaire, n'a pas le caractère d'un supplément de loyer. Ce versement, en permettant ladite entreprise d'occuper immédiatement des locaux dont la situation était particulièrement favorable à l'exploitation de son fonds de commerce, a eu pour contrepartie un accroissement de valeur de cet élément d'actif (CE, arrêt du 8 février 1965, req. n° 61731, RO, p. 275).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

D Adm. 5 E3233, n° 12, 15 mai 2000 :

a. Les sommes qui ont pour contrepartie l'entrée dans l'actif d'immobilisations ou d'éléments du stock sont immobilisées dans le premier cas et déduites des bénéfices imposables dans le second cas, sous la réserve formelle que ces sommes correspondent à la valeur réelle des éléments ainsi acquis et que toutes les justifications nécessaires soient fournies à cet effet ;

b. Le surplus des versements qui correspond au paiement d'un « droit d'entrée » est considéré :
- soit comme un supplément de loyer s'il est versé au propriétaire. Le débiteur peut donc le déduire de ses bénéfices imposables, cette déduction étant toutefois répartie sur toute la durée du bail ;
- soit comme un élément d'actif lorsqu'il est versé au fermier sortant. Le preneur entrant peut donc le faire figurer à l'actif de son bilan mais ne peut l'amortir.

1.2 Sommes payées par le bailleur

Bailleur « entreprise » :

D. Adm. 4 C-2, n° 10, 30 octobre 1997 :

En principe, l'indemnité d'éviction versée par une entreprise propriétaire à un de ses locataires pour non-renouvellement du bail des locaux dont elle veut reprendre la disposition présente le caractère de frais de premier établissement et peut donc, dans la mesure où elle ne présente pas un caractère exagéré, soit être déduite des résultats de l'exercice au cours duquel elle a été versée, soit faire l'objet d'un amortissement échelonné (cf. 4 C 231, n° 4).
La solution peut toutefois être différente si le propriétaire exerce dans les locaux dont il a repris la disposition un commerce identique à celui de son ancien locataire. En effet, il y a lieu de considérer, dans ce cas, que l'indemnité d'éviction représente pour partie le prix d'acquisition de la clientèle du locataire ; elle ne peut donc, à ce titre, être admise en déduction pour la détermination du résultat fiscal.


D. adm. 4 C-2111, n° 30, 30 octobre 1997 :

L'indemnité d'éviction et la somme correspondant à des « reprises diverses » qu'une société anonyme, qui a acheté un appartement en vue d'y loger son président-directeur général, a versées à l'ancien occupant afin d'acquérir la jouissance immédiate des locaux constituent, dans les circonstances de l'espèce, un élément du prix de revient du bien acquis et non des frais de premier établissement (CE, arrêt du 5 mai 1970, req. n° 76307, RJ II, p. 100).

Enfin, les indemnités d'éviction versées par une entreprise commerciale aux occupants des immeubles implantés sur des terrains acquis par l'entreprise pour les besoins de son exploitation trouvent leur contrepartie dans l'accroissement de la valeur des immobilisations figurant à l'actif du bilan. Elles ne constituent donc pas des charges déductibles des résultats de l'entreprise (CE, arrêt du 19 décembre 1975, req. n° 96829, RJ II, p. 185).

Bailleur « particulier » :

D. adm. 5 B-212, n° 1, 1er septembre 1999 :

Une indemnité d' éviction versée au locataire commerçant en application de la législation relative aux baux commerciaux trouve sa contrepartie dans la libération de l'immeuble loué et dans l'accroissement qui en résulte de la valeur du capital immobilier du propriétaire de cet immeuble. Le versement d'une telle indemnité ne peut, dès lors, être regardé, comme une dépense effectuée en vue de l'acquisition ou de la conservation du revenu (CE, arrêt du 4 novembre 1983, n° 33903).

D adm. 5 D-2219, n° 10 et 11, 10 mars 1999 :

L'indemnité d' éviction versée par le propriétaire est admise en déduction des recettes brutes lorsqu'elle est considérée comme une charge engagée en vue de la perception du revenu.
Conformément à la jurisprudence du Conseil d'État, il en est ainsi, notamment, lorsque la somme versée au locataire sortant a pour objet de libérer les locaux en vue de les relouer immédiatement dans de meilleures conditions.
L'indemnité d' éviction n'est pas admise en déduction lorsqu'elle présente le caractère d'une dépense personnelle ou d'une dépense engagée en vue de la réalisation d'un gain en capital.
Tel est le cas de l'indemnité versée par le propriétaire en vue de reprendre les locaux donnés en location pour :
- son usage personnel ;
- les vendre libres de toute location (CE, arrêt du 25 janvier1967, req. n° 66560, RO p. 21) ;
- en permettre la démolition (CE, arrêt du 21 février 1944, req. n°s 69684 et 71374, RO p. 55) ;
-transformer des locaux commerciaux en logements (CE, arrêt du 12 février 1969, req. n° 72918, 7e et 9e s.-s. réunies, RJCD, 1re partie, p. 44).

BOI 5 D-2-07, 23 mars 2007, n° 18 :

L'indemnité d'éviction qui a pour objet de libérer les locaux en vue de les relouer dans de meilleures conditions est déductible des revenus fonciers (CE, arrêt du 8 juillet 2005, n° 253291). Le caractère déductible de l'indemnité d'éviction n'est plus conditionné par le caractère déductible des travaux dont l'éviction est le préalable (voir fiche n° 8 « Dépenses de travaux ») ;

BOI 5 D-4-05, 28 février 2005, n° 16 :

L'indemnité d'éviction versée par le propriétaire est admise en déduction des recettes brutes lorsqu'elle est considérée comme une charge engagée en vue de la perception du revenu. Conformément à la jurisprudence du Conseil d'État, il en est ainsi, notamment, lorsque la somme versée au locataire sortant a pour objet de libérer les locaux en vue de les relouer immédiatement dans de meilleures conditions. Toutefois, il convient d'écarter la déduction de l'indemnité lorsque son versement résulte d'une gestion anormale.
Les précisions apportées par la DB 5 D 2219, n°s 10 à 12 conservent leur valeur. Toutefois, lorsqu’elle est déductible, l’indemnité d’éviction vient, à compter de l’imposition des revenus de l’année 2004, diminuer le montant des recettes brutes en tant que charge de la propriété sans que cette déduction ait une incidence sur l’assiette de la déduction forfaitaire.

2.2. Sommes perçues par le preneur

D Adm. 4 A 242, n° 38, 9 mars 2001 :

Les sommes qui sont destinées à compenser la perte d'éléments de l'actif immobilisé et, notamment un droit au bail, doivent être assimilées à un prix de cession. En conséquence, les plus-values ou moins-values réalisées à cette occasion bénéficient du régime fiscal des plus-values ou moins-values d'actif immobilisé. En ce sens CE, arrêt du 25 novembre 1985, n° 40357.
En revanche, les sommes qui couvrent les frais normaux de déménagement et de réinstallation ainsi que les frais et droits de mutation sont imposables au taux normal (CE, arrêt du 27 mai 1983, n° 27921). Il en est ainsi même si le contribuable a été, en fait, dans l'impossibilité de se réinstaller dans un autre local et aurait subi de ce chef, la perte intégrale de son fonds de commerce (CE, arrêt du 1er février 1984, n° 36169).


D. Adm. 5 G-115, n° 6, 15 septembre 2000 :

L'indemnité d'éviction, perçue par un contribuable exerçant une profession non commerciale, à raison du local professionnel dont il disposait, entre dans le champ d'application des bénéfices non commerciaux et, constituant pour l'intéressé une recette professionnelle, doit, en tant que telle, être retenue pour la détermination de son bénéfice imposable.

 

 

D Adm. 5 E3233, n° 11 et s, 15 mai 2000 :

Lorsque le droit [droit d’entrée payé par le preneur entrant] est perçu par le fermier sortant, il est pris en compte pour la détermination de la plus-value ou de la moins-value réalisée par l'intéressé au titre de l'exercice de la cession.

Indemnité d’expropriation :

D. adm. 5 E-3223, n° 143, 15 mai 2000 :

En sus des indemnités accessoires visées ci-dessus, le fermier peut obtenir une indemnité d'éviction destinée à réparer le préjudice qu'il a subi du fait de la résiliation anticipée de son bail. Le cas échéant, il perçoit également une indemnité correspondant aux améliorations apportées au fonds loué.
Il a paru possible de considérer que ces deux indemnités sont destinées à compenser une diminution de l'actif. Les plus-values correspondantes doivent donc être taxées dans les mêmes conditions que celles consécutives au versement de l'indemnité principale.

BOI 5 E-3-01, 23 février 2001 :

Le régime des plus-values professionnelles s'applique aux indemnités d' éviction et assimilées perçues tant par les fermiers que par les propriétaires-exploitants, quel que soit le mode de calcul de leur montant.